Son parcours personnel :

1) Comment avez-vous découvert l’ayurvéda et pourquoi avez-vous décidé d’approfondir cette pratique ?

L’ayurvéda a toujours fait partie de moi sans que je ne m’en rende bien compte. Dans mon enfance, j’entendais parler de ma grand-mère paternelle qui prodiguait des soins ayurvédiques dans son village de Tellippalai dans la province tamoule du Sri Lanka. A l’époque, je ne comprenais pas bien ce que c’était et j’étais à mille lieux d’imaginer que cela pouvait être un métier en Occident. C’est bien après, vers l’âge de 30 ans que j’ai vraiment compris ce qu’était l’ayurvéda, lors d’un voyage en sac à dos en Inde. J’avais pris une année sabbatique pour voyager et faire une pause avec mon métier d’ingénieur en informatique dans lequel je ne me retrouvais plus. Ce voyage a été un véritable déclic, j’ai compris que cette pratique me permettrait non seulement de me sentir plus alignée avec moi-même tout en ayant le privilège d’accompagner les personnes à faire de même. Motivée par mon envie d’exercer un métier plus proche de l’humain avec un impact pour un monde meilleur, j’ai décidé de changer de vie et de me lancer dans cette nouvelle aventure.

La philosophie de l’ayurvéda :

2) Comment définiriez-vous l’ayurvéda à quelqu’un qui n’en a jamais entendu parler ? En quoi l’ayurvéda diffère-t-il des approches occidentales de la santé et de la nutrition ?

L’ayurvéda c’est surtout du bon sens. C’est à la fois une sagesse, un art de vivre, une philosophie, une médecine préventive qui vient de l’Inde et qui fait référence à la connaissance (veda) de la vie (ayur). C’est un savoir qui évolue de manière universelle. Son principe de base est de comprendre que chaque personne est unique. L’ayurvéda n’a pas de solution générique. On prend le temps d’observer chaque individu de manière holistique en faisant le lien entre son corps, son esprit, son âme, son environnement, son conditionnement et tous les axes de sa vie (famille, travail, entourage…) car tout peut avoir un impact sur sa santé.La santé et la nutrition sont un sujet du quotidien en ayurvéda. On n’attend pas d’être malade pour aller voir le médecin. Au contraire, cette pratique vise à se responsabiliser davantage en apprenant à mieux se connaitre et à vivre de manière plus alignée avec soi. Selon l’ayurvéda, plus on vit en adéquation avec soi-même, moins on a de risque d’avoir des maladies.

3) Quels sont, selon vous, les principes fondamentaux de l’ayurvéda et comment sont-ils applicables à la vie moderne ?

Les principes clés de l’ayurvéda consistent à respecter les 4 piliers majeurs de la vie de tous les jours : le sommeil, l’alimentation, le mouvement, le silence.

Dans la vie moderne, cela revient par exemple à :

• Dormir suffisamment chaque nuit selon son besoin et prêter attention à la qualité de son sommeil
• Manger de saison et majoritairement local en écoutant son propre rythme et ses propres besoins qui changent au cours de l’année, de la vie,
• Avoir une activité physique régulière, encore une fois adaptée à soi et à la saison, à son énergie qui varie naturellement,
• Se préserver du monde qui s’agite constamment en s’octroyant régulièrement des instants de silence, de contemplation, de méditation (le tout sans écran évidemment !).

On n’a même pas forcément besoin de connaitre son fameux dosha (la constitution ayurvédique), une notion qui est de plus en plus galvaudé de nos jours et qui perd parfois de son sens. A la base, le dosha est « ce qui nous déséquilibre », quelque-chose en nous qui ne fonctionne pas de manière optimale. Selon l’ayurvéda, chaque être vivant arrive au monde avec sa propre constitution basée sur les cinq éléments (Espace, Air, Feu, Eau, Terre). On appelle cette constitution de naissance la prakriti. Par exemple, une personne peut avoir une dominante « Feu » ou « Air » ou « Feu et Terre », toutes les combinaisons entre les cinq éléments étant possibles.

Les doshas, au nombre de trois sont les gérants de ces éléments, des énergies qui circulent et fonctionnent sans arrêt au maintien de la santé :

• VATA (Air & Espace) gère principalement les fonctions de mouvement, respiration, circulation, élimination, régulation du système nerveux
• PITTA (Feu & Eau) gère principalement les fonctions de digestion, gestion du métabolisme, régulation de la température corporelle, analyse/discernement intellectuel
• KAPHA (Eau & Terre) gère principalement les fonctions de cohésion, construction, structuration, stabilité, lubrification, immunité

4) Pourquoi était-il important pour vous de faire connaître l’ayurvéda et de le rendre accessible, par la cuisine notamment ?

Quand j’observe le monde dans lequel on vit aujourd’hui, je trouve qu’il y a énormément de choses qui sont insensées : on est entouré d’aliments bourrés de produits chimiques, on a des modes de vie beaucoup trop sédentaires, on passe énormément de temps devant des écrans à s’abimer les yeux et le cerveau, on épuise la planète, on consomme à foison.Malheureusement, les personnes qui se soucient de tout cela sont encore trop peu nombreuses.

D’après ma propre expérience, l’ayurvéda est une voie douce et saine pour commencer à questionner nos manières de vivre, prendre soin de soi au quotidien et ainsi agir pour la planète à son échelle. Comment ? Lorsque l’on commence à essayer de mieux manger par exemple, on prend conscience de l’importance de faire des choix plus éthiques et plus durables. C’est une belle manière d’œuvrer à un monde meilleur. Aujourd’hui, nous sommes nombreux à nous sentir impuissants face au dérèglement climatique, il est urgent de se rende compte qu’on a un vrai pouvoir d’action en tant que citoyen. Pour moi, l’ayurveda se situe à la croisée de la santé individuelle et collective !

Sur la nutrition ayurvédique :

5) Quelle place occupe l’alimentation dans la philosophie ayurvédique ?

L’alimentation a une place centrale puisqu’elle est considérée comme un des piliers majeurs de la santé. Dans la Charaka Samhita, Sutrasthana, Chapitre 28, verset 45 (traité célèbre de l’ayurvéda), on a ce sutra Āhārasambhavaḥ vāsthu rogāh āhārasambhavāḥ ||" qui signifie "La santé comme la maladie trouvent leur origine dans l’alimentation."

A chaque étape de la vie, l’ayurvéda regorge de conseils détaillés et précis à propos de l’alimentation. C’est une approche très sensorielle et gourmande basée sur les saveurs, les textures, les odeurs, l’art de cuisiner et de manger en paix.

6) Pouvez-vous expliquer le concept des six saveurs (rasa) et leur rôle dans l’alimentation ayurvédique ?

Selon l’ayurvéda, une alimentation équilibrée consiste avant tout à avoir une assiette savoureuse qui mette en éveil les cinq sens (vue, odorat, toucher, goût, ouïe). En alliant les six saveurs dans son quotidien (pas forcément dans un même repas), on assure de stimuler sa digestion (agni), de maintenir un état d’équilibre en évitant l’accumulation de toxines (ama), on nourrit les tissus corporels (dhatus) et on favorise l’harmonie corps-esprit.

Ainsi, au cours d’une journée, on conseille d’associer un mélange des six saveurs dans ses repas :

• Doux (Madhura) qui nourrit et soutient les tissus, augmente la vitalité, favorise la croissance. Exemples : riz, blé, quinoa, dattes
• Acide (Amla) qui augmente l’appétit, favorise la salivation, donne de l’énergie. Exemples : citron, vinaigre, yaourt, tomates
• Salé (Lavana) qui aide à l’absorption, adoucit les tissus, rehausse le goût. Exemples : sel de mer, sauce soja, algues
• Piquant (Katu) qui stimule le feu digestif (agni), nettoie les canaux, dissout l’excès de mucus. Exemples : piment, ail, gingembre, radis
• Amer (Tikta) qui détoxifie, assèche l’humidité, nettoie le sang. Exemples : curcuma, endives, chou vert
• Astringent (Kashaya) qui resserre les tissus entre autres. Exemples : lentilles, thé vert, grenade

7) Comment savoir si nous avons besoin d’adopter les principes d’une alimentation ayurvédique ? A qui est-ce que cette alimentation s’adresse ?

Une alimentation ayurvédique n’a pas besoin d’être compliquée. On pourrait croire que manger ayurvédique est synonyme de restrictions sévères en fonction des doshas. Les règles un peu strictes ne sont valables que si l’on souhaite adresser un déséquilibre ou un souci de santé qui s’installe tel que les problèmes de peau, les troubles digestifs, les troubles du sommeil, les soucis de circulation sanguine, des problèmes d’articulation, des troubles hormonaux… Dès lors qu’on est face à une problématique de santé quelle qu’elle soit, les principes ayurvédiques sont de véritables mines d’or. Pour les personnes en bonne santé, l’ayurvéda recèle également de nombreux principes qui sont de l’ordre de la prévention au quotidien. Par exemple : prendre le temps de bien macher pendant le repas, ne pas manger en colère ni avec des personnes anxiogènes, éviter de boire trop d’eau pendant le repas…

8) Quels bienfaits peut-on constater grâce à l’ayurvéda ?

Si on applique sérieusement les conseils ayurvédiques adaptés à soi, on devrait noter un appétit équilibré, une nette amélioration de la digestion, une belle peau/un beau teint, une bonne énergie, un sommeil de qualité, la tenue sans difficulté d’un rythme de vie adéquat. Bien sûr, les bienfaits sont propres à chaque individu et à l’échelle des efforts fournis.

9) Quels rituels ou habitudes simples recommanderiez vous à ceux qui souhaitent intégrer l’ayurvéda dans leur quotidien, dans leur assiette mais aussi en général ?

Dans les conseils faciles à mettre en place et qui ont un effet notable, je dirais :

• Se gratter la langue au réveil s’il y a un dépôt visible pour ne pas réingérer ces déchets corporels,
• Boire un verre d’eau tiède ou chaude le matin avant de boire quoique ce soit d’autre,
• Prendre du plaisir à cuisiner et à manger,
• Apprendre à écouter sa faim avant de manger,
• Apprendre à écouter sa satiété pour ne pas manger trop ni pas assez,
• Apprendre à s’amuser avec les six saveurs, les couleurs en composant des assiettes variées,
• Diversifier ses repas en fonction des saisons, ses envies, ses besoins,
• Ne pas dormir juste après un repas.

 10) Pour finir : quel message principal souhaitez-vous transmettre à vos lecteurs à travers ce livre ?

Mon souhait avec ce livre est que la pratique de l’ayurvéda puisse se démocratiser joyeusement en commençant par découvrir des recettes gourmandes inspirées de la cuisine du monde à base d’ingrédients simples, locaux et de saison. L’ayurvéda n’est pas un traitement. L’ayurvéda n’est pas une clinique en Inde. L’ayurvéda, ce sont avant tout les choix que l’on fait au quotidien pour vivre en harmonie avec soi-même et avec le monde qui nous entoure (connaissance de la vie). Et si on s’y mettait tous.tes ?